Les Européens au chevet de la Biélorussie
(B2) C'est au plus haut niveau, celui des chefs d'État et de gouvernement, que les 27 se sont retrouvés, mercredi (19 août), pour apporter leur soutien au peuple biélorusse. Au régime d'Alexander Loukachenko, qui ne semble pas ébranlé par les protestations, le message est plus modéré qu'attendu : appel au dialogue, et à la libération des prisonniers
Lorsque la tenue d'un sommet européen extraordinaire a été demandée au lendemain des élections du 9 août, Charles Michel a considéré que la situation ne le justifiait pas. Une semaine plus tard, l'ampleur des manifestations et la crainte d'une intervention russe, ont poussé le président du Conseil européen à convoquer les 27.
Le résultat des élections non reconnu
Les élections présidentielles du 9 août en Biélorussie n’ont été « ni libres ni justes ». « Nous n'en reconnaissons pas les résultats » peut-on lire dans la déclaration finale. Pour autant, pas question d'appeler ouvertement à de nouvelles élections. Interrogée, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, explique que c'est la population elle-même qui demande un nouveau scrutin « libre et équitable » et que les Européens « [ soutiennent] le peuple bélarusse pour qu'il choisisse le chemin qu'il veut suivre ».
Appel à la fin des violences
Les violences d'État sont vivement condamnées et une enquête « approfondie et transparente » est demandée. Les 27 appellent également à ce que « toutes les personnes détenues illégalement » soient « libérées immédiatement et sans condition ». Quant aux membres de la société civile et de l'opposition qui prennent part à des discussions sur la transition politique, ils « doivent être protégés contre les arrestations arbitraires et les actes de violence ».
Les sanctions individuelles bientôt adoptées
Alors que la Biélorussie vivait son 11ème jour de manifestations et de répressions, « notre message est clair, l’Union européenne n’accepte pas l’impunité », a déclaré Charles Michel. Les dirigeants ont confirmé la décision des ministres des Affaires étrangères du 14 juillet (lire : Biélorussie : le principe de sanctionner le régime Loukachenko approuvé par les 27). Des sanctions ciblées sont en préparation et viseront « un nombre substantiel de responsables de la violence, de la répression et de la falsification des résultats électoraux ». Quels responsables ? Les Européens se sont gardés d'y répondre, mais la possibilité d'y inclure Alexander Loukachenko est sur la table selon Charles Michel, qui a précisé que la décision sera prise au niveau technique, « dans le cadre de ce processus ». Quand ? « Bientôt ». Selon nos informations, une liste devrait être présentée aux ministres des Affaires étrangères lors de leur réunion à Berlin, en fin de semaine prochaine.
... mais pas d'accord sur les sanctions économiques
Quant à des sanctions économiques demandées par le groupe des pays du Visegrad, l'idée n'a pas obtenue de soutien du reste des Européens. Mais la menace reste présente. « Les progrès accomplis ces dernières années dans les relations entre l'UE et la Biélorussie sont menacés. Toute nouvelle dégradation de la situation affectera nos relations et aura des conséquences négatives » peut-on lire dans les conclusions.
La solution doit être politique, et biélorusse
Ne pas apparaitre comme des acteurs interférant dans la crise, et donc apaiser le Kremlin, a été une préoccupation majeure des 27. « Les manifestations en Biélorussie n'ont rien à voir avec la géopolitique. Il s'agit d'une crise nationale. Le futur du peuple de Biélorussie ne doit pas être décidé à Bruxelles ou à Moscou », a martelé le président du Conseil européen. Ne pouvant faire que le constat du maintien de Loukachenko au pouvoir, les Européens l'appelle « à trouver une issue pacifique à la crise, en mettant fin à la violence, en apaisant les tensions et en lançant un dialogue national ouvert à tous ». Un dialogue que doit être soutenu par tous, « y compris les États tiers » pointe Charles Michel.
Vers une médiation de l'OSCE
L'idée d'une médiation européenne, qui circulait encore la semaine dernière (portée surtout par les pays Baltes), a disparu. C'est désormais vers l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) que les regards se tournent. Avantage : la Russie et la Biélorussie en sont membres. Et elle joue déjà un rôle à l'Est de l'Ukraine. Une manière de ne pas repousser la Russie et de l'associer à un rôle positif de sortie de crise.
Un timide soutien pratique aux Biélorusses
Les messages de soutien et de solidarité envers les citoyens de Biélorussie se sont multipliés. Mais leur traduction n'a pas été aussi ambitieuse que ne l'aurait souhaité certaines capitales. Pologne et Lituanie voulaient notamment la création d'un fonds européen de soutien aux victimes des violences. Une idée « noble » mais « attention au timing » insiste une source européenne, pointant la volonté des Européens de ne pas apparaitre comme des agitateurs. L'alternative a été cherchée du côté du partenariat oriental, dont les fonds destinés à la Biélorussie vont être reprogrammés, « en les éloignant des autorités et les orientant vers la société civile », a indiqué Ursula von der Leyen. Deux millions d'euros iront au soutien à la société civile et aux médias indépendants. Un million pour les victimes des violences. Et 50 millions seront destinés au « soutien d'urgence » lié au coronavirus, que ce soit pour le secteur de la santé comme les PME ou services sociaux.
(Leonor Hubaut)
Télécharger les conclusions du président du Conseil européen (FR/EN)