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[Entretien] Biélorussie, à moitié oubliée et pourtant essentielle dans le soutien à l’Ukraine (Svetlana Tsikhanouskaya)

(B2 — exclusif) Il y a deux Biélorussie. Celle qui aide Moscou à acheminer ses troupes en Ukraine, et celle qui s'entraîne pour se battre aux côtés des Ukrainiens. Rencontre avec la cheffe de l'opposition, Svetlana Tsikhanouskaya, en visite à Bruxelles. 

Svetlana Tsikhanouskaya était à Bruxelles lundi (14.11) pour rendre compte du rôle du régime Biélorusse dans la guerre en Ukraine et de la répression interne  (crédit : Conseil de l'UE)

Le régime Loukachenko au service de la Russie 

La Biélorussie fait office de « collaborateur » de la Russie dans la guerre en Ukraine. La cheffe de l'opposition démocratique, Svetlana Tsikhanouvskaya, est formelle. En exil en Lituanie depuis 2020, elle veut attirer l’attention des Européens sur la « complicité » du régime biélorusse.

L'appui concret de Minsk à Moscou

Le dictateur Alexandre Lukashenko met à disposition des Russes le « territoire » biélorusse, des « infrastructures » pour qu’ils « envahissent » l’Ukraine, dénonce Svetlana Tsikhanouvskaya. Neuf mois après le début de la guerre, « davantage de troupes russes arrivent en Biélorussie et nous ne savons pas ce qu’elles préparent ».

L’engagement flou des troupes biélorusses

Le niveau d'engagement de l'armée biélorusse dans cette guerre est un sujet qui « inquiète beaucoup » le Haut représentant, « car il est clair que [le régime biélorusse] fournit autant de soutien que Poutine en exige », a-t-il reconnu lundi (14 novembre). Mais, pour l'instant, « il n'y a aucune preuve d'un engagement direct de leurs troupes » a-t-il ajouté.

L'opposition biélorusse en soutien de l'Ukraine

Une source d'information

Les « patriotes et espions » de la Biélorussie démocratique, comme les appelle Svetlana Tsikhanouvskaya, « envoient des informations à l’armée ukrainienne sur l’emplacement [des Russes] et ce qu’ils font ». Valery Kavaleuski, le chef-adjoint de son cabinet, explique à B2 que « 30.000 Biélorusses collectent des informations » sur les agissements des Russes en Biélorussie, « et les partagent sur un canal Telegram ». Un risque certes, mais « il est important d’alerter l’Ukraine, quand une bombe quitte un aérodrome en Biélorussie vers l’Ukraine ». Les opposants conduisent aussi des opérations de sabotage pour empêcher les livraisons.

... et des combattants de terrain

« Des centaines d’hommes se battent aux côtés de l’Ukraine, pour défendre le territoire ukrainien, comme le territoire biélorusse ». Ce qui suppose aussi « un entrainement des personnes et combattants volontaires », reconnaît Valery Kavaleuski. Cette formation se déroule « dans différents pays ». Le Biélorusse de veut pas préciser lesquels. Une source européenne évoque notamment la Pologne. Mais le mouvement pour la Biélorussie démocratique ne développe pas de « branche militaire » assure Valery Kavaleuski.

Un soutien essentiel 

Le but est d' « essayer d’aider les Ukrainiens autant que possible », félicite la Biélorusse. Une manière aussi de montrer que ses partisans s’opposent à la guerre en Ukraine, et à l’aide apportée par le régime qui les gouverne et faire la différence. L'équivalent en quelque sorte des livraisons d'équipements et des formations dispensées par les Occidentaux aux forces armées ukrainiennes, ou prendre des sanctions contre Moscou.

Un régime qui cherche à semer le trouble

Du côté européen, certains ont « l’impression » que le dictateur biélorusse «, essaie de montrer une certaine indépendance », vis-à-vis de Moscou, comme l'avance Alexander Schallenberg, le ministre des Affaires étrangères d’Autriche. « L'Occident devrait arrêter de se mentir à soi-même », réagit Valery Kavaleuski. La représentation de la Biélorussie démocratique estime, au contraire, que ce n'est pas le moment de relâcher la pression. C'est l'un des messages transmis aux 27 ministres des Affaires étrangères, ce lundi. Alexander Lukaschenko « joue ce jeu depuis très longtemps, il joue des deux côtés de manière efficace », met en garde Valery Kavaleuski. Le dictateur « a une dette envers Poutine » qui « l’a aidé à rester au pouvoir » en 2020, rappelle aussi Svetlana Tsikhanouvskaya.

Des sanctions pour faire pression

Les sanctions contre le régime « sont un élément important de stratégie pour mettre la pression et amener du changement », justifie le chef de cabinet adjoint de la chef de l’opposition. Il liste pour B2 les idées de sanctions en lien avec l’implication de Minsk dans la guerre en Ukraine : « sur les infrastructures utilisées pour la guerre, comme les aéroports, les chemins de fers utilisés pour livrer les Russes en Ukraine, les installations de traitement du pétrole qui aident les Russes à approvisionner leurs tanks ». Svetlana Tsikhanouvskaya a aussi demandé que Lukaschenko, « entièrement impliqué dans cette guerre, porte la responsabilité entière de crimes de guerre ».

… et pour les droits humains

Sans oublier de punir le régime de la répression interne qui continue. Il faut « empêcher que les entreprises étatiques aient accès aux liquidités (cash flow), des sanctions financières sur le régime, boucher les trous dans les sanctions déjà prises, et lister des oligarques qui soutiennent A. Lukaschenko », détaille Valery Kavaleuski.

Des sanctions en préparation

Les Européens préparent actuellement des sanctions supplémentaires contre le régime biélorusse, comme annoncé dans les conclusions du sommet européen d'octobre (lire : Les points clés des conclusions). Mais elles sont, selon les informations de B2, en quelques sortes « liées » au 9ème paquet de sanctions contre la Russie, qui n’a pas encore été formellement présenté, car le souhait est d’abord de boucler le 8eme paquet et notamment le mécanisme de price cap sur les exports de pétrole russe.

L'appel des opposants à Bruxelles

En parallèle, Svetlana Tsikhanouvskaya plaide pour ne pas cesser le soutien à la démocratie biélorusse, que ce soit avec la pression politique, ou en envoyant de l’aide, ou même en organisant des expositions d’artistes. « Ne vous lassez pas de nos problèmes, nous voulons nous développer démocratiquement, nous voulons la liberté, l'état de droit. Il est important de rester avec nous dans ce moment difficile pour apporter une petite contribution. » La Biélorussie démocratique demande à avoir une relation de travail avec l'Union européenne et ses États membres, avoir une place à la table du Partenariat oriental, et entrer dans la Communauté politique européenne, détaille Valery Kavaleuski.

… à une Biélorussie oubliée

Le mouvement démocratique se « sent oublié, oui », et s’en « inquiète » confie Valery Kavaleuski. « Nous voulons du soutien, comme l’Ukraine. Nous avons le même ennemi, la Russie. Ce qui est différent, c'est que l'Ukraine se bat avec des armes. Notre pays, lui, est détourné par les Russes. » 

(Aurélie Pugnet)

Entretien avec Valery Kavaleuski, chef-adjoint du cabinet de la chef de la Biélorussie démocratique réalisé lundi (14 novembre) en anglais, par téléphone, suite à sa rencontre avec les ministres des Affaires étrangères. 

Les propos de Svetlana Tsikhanouvskaya sont tirés de sa déclaration suite à la rencontre, lundi (14 novembre) (doorstep).

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