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Les eurodéputés français, ces mal-aimés du gouvernement Macron ?

(B2 à Strasbourg) Plusieurs eurodéputés français, de différents groupes politiques, sont mécontents d'être tenus à l'écart des grandes orientations européennes par leur gouvernement. Certains l'expriment directement, d'autres discrètement. Mais tous regrettent la position prise par Paris

(crédit : Parlement européen)

C'est la crise franco-italienne qui a été le révélateur du malaise. Alors que l'ambassadeur français à Rome était rappelé à Paris, pour cause d'incident avec Luigi Di Maio, « nous n'avons pas été tenus au courant ou reçus les éléments de langage habituels permettant de comprendre la position française » lance la chef de la délégation socialiste française au Parlement européen, Christine Revault d'Allones-Bonnefoy, à quelques journalistes dont B2 dans l'enceinte du Parlement européen.

Silence dommageable alors que le Premier ministre italien Giuseppe Conte était reçu au Parlement européen mercredi (13 février). Le groupe socialiste a d'ailleurs adressé une lettre formelle à Jean-Yves Le Drian et Nathalie Loiseau pour se plaindre de la situation.

« Eu égard à ce contexte inédit et au caractère historique de cette annonce, les élus de la Délégation socialiste française au Parlement européen regrettent que vous n’ayez pas adressé d’informations aux représentations démocratiques françaises au niveau de l’Union. »

Une non information régulière

Plus généralement, les eurodéputés se plaignent de ne plus avoir de point régulier avec les autorités politiques, de façon collective comme c'était le cas auparavant. « Pierre Sellal (représentant permanent) nous tenait régulièrement informés, toutes délégations confondues des dossiers » souligne l'eurodéputée PS (groupe S&D). « Aujourd'hui, avec le nouveau représentant permanent, Philippe Léglise Costa, ce n'est plus le cas. » Ce n'est « pas une question de personne », précise-t-elle. Puisque l'intéressé était régulièrement en contact avec les eurodéputés « quand il était au cabinet du président de la République, François Hollande ». Mais plutôt un positionnement général. C'est la même chose sur les dossiers thématiques : les contacts continuent au niveau technique, au cas par cas, mais dès qu'on atteint le niveau politique, cela bloque.

Une ministre européenne plus partisane que gouvernementale

Point de vue confirmé chez Les Républicains (groupe PPE). « Cela fait longtemps que nous n'avons pas de contact, sauf quand nous le demandons, de façon individuelle » souligne Arnaud Danjean, une des têtes de liste aux prochaines élections européennes. Au passage, il égratigne le rôle de Nathalie Loiseau, la ministre des Affaires européennes, qui « est sortie plusieurs fois de son rôle depuis quelques mois, donnant l'impression que son unique obsession était de stigmatiser Viktor Orban, et par ricochet le PPE, dans une démarche plus partisane que gouvernementale ».

Le fil interrompu des rencontres régulières

Chez les démocrates (groupe ALDE), le sentiment d'abandon existe, même s'il est moins expressif. « Je regrette que les rencontres régulières et très intéressantes organisées par P. Sellal n'aient pas perduré suite à son départ » remarque la députée de l'Est, Nathalie Griesbeck (MODEM/ALDE), interrogée par B2. Les députés se rabattent donc sur l'interlocuteur le plus à même au niveau technique de les renseigner. Le député du Nord, radical social Dominique Riquet (MRSL) voit ainsi « régulièrement le représentant permanent adjoint qui est le mieux placé sur ses dossiers » précise son assistante.

Le néant remplace les échanges réguliers

A gauche, Marie-Christine Vergiat (GUE) se souvient du temps où un ministre entretenait les relations avec les députés français. Il s'agissait de Bernard Cazeneuve, alors ministre délégué aux Affaires européennes (sous François Hollande). C'était en 2012. « Depuis le départ de Philippe Etienne », représentant permanent de l'époque, le néant a remplacé les échanges réguliers « appréciés ».

Une absence difficilement explicable

Ces relations difficiles entre les eurodéputés et un gouvernement a priori pro-européen étonnent. Elles sont difficiles à expliquer avouent plusieurs eurodéputés, assez interloqués, même si ils ne se rangent pas sous la bannière présidentielle. La proximité avec les élections européennes, et la difficulté à constituer la liste La République en Marche (LREM), semble évidente. Mais au-delà, ce silence tient-il à la volonté affichée par l'équipe Macron de révolutionner les codes, de contourner le corps actuel des eurodéputés (qu'il estime 'ancien monde') ou de se passer des corps intermédiaires, ou tout simplement d'un « désintérêt pour le Parlement européen ».

(Nicolas Gros-Verheyde, avec Emmanuelle Stroesser)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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