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La réintégration du commandement intégré de l’OTAN : une french touch très utile (André Lanata)

(B2) Quitter le commandement intégré de l'OTAN pour la France serait une erreur selon le général André Lanata. Une erreur préjudiciable à l'efficacité de l'armée française

Les drapeaux américain, français et de de l'OTAN côte à côte lors de la cérémonie de passation des commandements (photo © NGV / B2)

Ancien chef de l'Armée de l'air français, le général Lanata vient tout juste de quitter son commandement à l'ACT, le commandement Transformation. Un des deux principaux commandements stratégiques de l'Alliance atlantique (lire aussi : L’enjeu pour l’OTAN aujourd’hui : être encore plus agile pour faire face à l’évolution technologique (Gén. Lanata))

Mon général, on voit apparaître en France une discussion, sur l'intérêt d'avoir réintégré le commandement de l'OTAN. Comment le voyez-vous en tant que praticien ?

— En 1991, j’étais jeune pilote engagé dans la guerre du Golfe, en tant que commandant d’escadrille. Je peux vous dire que, du côté des forces armées françaises, on a découvert à ce moment-là ce qu'il en coûtait en termes d'efficacité opérationnelle d'être resté à l'écart de l'organisation militaire de l'OTAN. Car l’Alliance, c'est avant tout un creuset qui fédère, standardise, harmonise et permet finalement à des forces d’opérer en commun. Ne pas être dans le commandement, c'est perdre en procédures, en normes d’emploi, en capacités opérationnelles. Au final, nous n'avons pas démérité dans le Golfe. Les militaires se sont adaptés, comme toujours. Mais ce n'est un secret pour personne que cela a conduit à une adaptation à marche forcée des armées françaises, dans les années qui ont suivi (1).

... Avec quelles conséquences  ?

— On a créé la DRM (direction du renseignement militaire), le commandement des forces spéciales (2), etc. En partant de mon expérience de terrain, cette réintégration de l'organisation militaire apporte un avantage principal : elle permet de monter à bord, de faire que les armées françaises participent, au même titre que les autres Alliés, à ce formidable creuset d’intégration. Cela garantit d’une part une efficacité opérationnelle collective, au plus haut standard. Et cela fait bénéficier en retour l'Alliance atlantique d’une sensibilité française particulière dans le domaine opérationnel. Une intégration dont les effets vont au-delà de l'Alliance et qui permet de conduire sous très faible préavis une opération telle que les frappes réalisées en Syrie en 2018 par nos Rafale avec nos Alliés Américains et Britanniques.

Il y a donc une french touch ?

— Nous apportons notre plus-value. La crédibilité des forces armées françaises est aujourd’hui reconnue sur les théâtres d'opération. Et elle bénéficie aujourd’hui à l'ensemble de l'Alliance Atlantique. Alors, oui, je crois que cette réintégration est positive. Et je m'en félicite.

Et le haut gradé d'ajouter une précision : « Je me situe ici au niveau qui est le mien. Les enjeux politiques qui agitent l'Alliance aujourd'hui et qui sont bien réels se situent évidemment sur un autre plan. »

(Propos recueillis par Nicolas Gros-Verheyde)

Entretien réalisé en face-à-face le 23 septembre à Norfolk (USA)

  1. Sur l'adaptation des forces spéciales durant la guerre du Golfe, le premier tome de "forces spéciales" de Marc Védrines (ed. Glénat) est assez illustratif.
  2. La DRM a été créée le 16 juin 1992.
  3. Le COS a été créé le 24 juin 1992.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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