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Les travailleurs humanitaires, cible privilégiée en Syrie

(B2) En visant directement les travailleurs humanitaires, les forces armées de Bachar al-Assad veulent les empêcher d'aider la population civile. Face aux violations des droits de l'Homme, une seule arme : la loi

De gauche à droite: Mohamad Katoub (Syrian American Medical Society), Fadel Al Shukfeh, Assad Al Achi (executive director of civil society organization Baytna Syria), Raed Al Saleh (head of the Syria civil defence or White Helmets), Lotte Leicht (Human Right Watch). (Crédit: B2)

Plusieurs représentants des travailleurs humanitaires ont dénoncé, à Bruxelles mercredi (13 mars), ce qui est devenu la norme dans le conflit en Syrie : la normalisation des violations des droits de l'Homme par le régime. « Il est urgent d'intervenir » face à « l'impunité » avec laquelle ces actes sont commis, alertent-ils.

Pour les travailleurs humanitaires, il n'y a plus d'endroit sûr

Toute personne qui souhaite aider, secourir se retrouve en très grand danger, tuée ou arrêtée à la moindre occasion. Avec toutes ces attaques, « il n'y a pas d'endroit sûr » pour personne, ni pour les travailleurs humanitaires ni pour les déplacés. « Aucun environnement sécurisé ». Toute arme est permise, que ce soient les armes chimiques, les détentions, les cyber attaques, la désinformation pour saper leur crédibilité.

185 médecins tués depuis le début du conflit 

Selon Mohamad Katoub, membre de la Syrian American Medical Society « 16 travailleurs humanitaires sont [aujourd'hui] détenus au Nord-Ouest de la Syrie, et nous n'avons aucune information pour les aider ». Plus grave encore, 185 médecins ont été tués par le régime.

1463 attaques contre les installations humanitaires

Les Casques blancs (1) sont en haut de la liste des cibles visées par les forces russes, les militaires iraniens ou encore les forces militaires du régime syrien, selon les témoignages. L'état des lieux est tragique, alerte Fadel Al Shukfeh. « 1109 travailleurs humanitaires sont visés en Syrie, plus que dans n'importe quel autre pays. Ce sont des cibles constantes. » On recense « au moins 1463 attaques sur les installations humanitaires vitales ». Sans compter les « 3984 personnes dans les centres de détention », parmi lesquels des travailleurs humanitaires, des médecins, l'aide civile. Tout ceci depuis le début du mouvement.

Les hôpitaux, devenus un endroit dangereux

Plusieurs hôpitaux attaqués récemment ont dû être évacués, ou sécurisés. Le Centre Barda a été l'une des cibles, faisant des douzaines de victimes. « Directement après la première frappe, ils ont visé trois hôpitaux publics » raconte tristement Mohamad Katoub. Le 4 avril dernier, c'est l'hôpital dans la ville de Al Tabaqa qui a délibérément été touché. Les attaques de professeurs et d'écoles deviennent fréquentes, les déplacements de population tactiques également. « C'est la même situation dans tous les secteurs. Les gens préfèrent ne pas garder les femmes trop longtemps dans les hôpitaux. Et l'on ne peut pas faire de campagne de vaccins au niveau national. Ce serait trop dangereux ». « Il a fallu attendre que ce soit moins dangereux pour déplacer les enfants ».

Les attaques comme message d'intimidation

C'est une manière pour le régime « d'avertir la société en ciblant les personnes qui essaient d’aider ou secourir la société. » Une terrible stratégie pour les civils, et une « punition » pour les personnes leur venant en aide. Il s'agit de faire disparaître toute trace, tout témoignage, toute preuve sur les violations des droits de l'Homme en Syrie répertoriées par les Casques blancs. La documentation reste, en effet, une arme pour attaquer les responsables. Face à la violation des droits humains, la seule arme est 'la loi' souligne Lotte Leicht directrice de Human Rights Watch pour l'Union européenne. « Avec bravoure, les victimes survivantes se battent en Europe, utilisent les lois européennes qui permettent des enquêtes et la poursuite des crimes. » Autant d'outils qui pourront permettre de punir, un jour, les responsables.

(Capucine Allais, st)

(1) Organisation humanitaire de protection civile formée pendant la guerre civile syrienne, les Casques blancs interviennent depuis 2012. Raed Al Saleh, à la tête des Casques blancs, précise qu'actuellement, 3000 volontaires travaillent dans des zones sensibles en Syrie.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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