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Défense, diplomatie, crises, pouvoirs

Josep Borrell au Conseil des Affaires étrangères, 22 juillet 2024 (Photo : Conseil de l'UE)
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[Verbatim] Gaza : Mogadiscio au bord de la Méditerranée. Le cri d’alarme du Haut représentant

(B2) Mois après mois, les réunions et les propos des Européens sur la situation au Moyen-Orient, se ressemblent. Le conflit entre Israël et les Palestiniens à Gaza semble sans fin. La communauté internationale reste impuissante. Josep Borrell a lancé l'alerte, de nouveau, lors du Conseil des Affaires étrangères, lundi (22 juillet). Un constat amer.

Ces propos ont été tenus par le Haut représentant de l'UE pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, à l'issue de la réunion ministérielle, à Bruxelles. Pour une large partie dans son introduction liminaire, pour partie en réponse à des questions de journalistes. Traduction par nos soins.

Une situation à Gaza de plus en plus difficile

« L’accès humanitaire – qui a toujours été difficile – a désormais implosé », a dénoncé Josep Borrell. Le nombre quotidien de camions entrant dans Gaza a encore diminué, passant de 193 en avril à moins de 76 en juin, « là où avant la guerre, il y en avait des centaines par jour ». Les conséquences sont atroces. «96 % de la population de Gaza souffre d’insécurité alimentaire aiguë. Il y a plus de 17 000 orphelins à Gaza », etc.

Le droit et le glaive

« Nous nous trouvons aujourd'hui dans une situation où le droit international n'a jamais été aussi éloigné de la situation sur le terrain. Le droit international est venu remplacer les échecs de la politique », a-t-il poursuivi, faisant référence au dernier avis consultatif de la Cour internationale de Justice. « Jamais l’écart entre ce que dit la loi et la réalité sur le terrain n’a été aussi grand, aussi insurmontable. » Mais « aussi légitimes et aussi fortes soient-elles, les institutions juridiques internationales ne sont pas là pour mettre en œuvre le droit. Elles sont là pour énoncer la loi. Pour mettre en œuvre la loi, cela doit être fait par les acteurs politiques. »

Le règne de l'impuissance et de la violence

Du côté politique, personne ne réagit. « Aujourd’hui, il n’y a pas de cessez-le-feu. Il n’y a aucun plan pour Gaza. Il n’y a pas de reprise du règlement mondial. Au contraire, les opérations militaires se poursuivent à Gaza. Il devient banal de dire aujourd'hui, demain, hier et après-demain que des dizaines ou des centaines de personnes sont tuées sous les bombes. Les otages n'ont toujours pas été libérés. » Tout cela « sous le regard vigilant d’une communauté internationale impuissante. »

Mogadiscio, au bord de la Méditerranée

Résultat, « ce territoire » Gaza « a été transformé en foyer apatride. Nous sommes à Mogadiscio, au bord de la Méditerranée, où la guerre régnera pour tous contre tous et où la violence se substituera à la politique. »

Se réveiller !

« Nous devons faire tout ce que nous pouvons pour arrêter cela – pour le bien de notre propre humanité », a alerté le Haut représentant de l'UE. « La communauté internationale doit se réveiller. L'Union européenne doit faire davantage d'efforts pour soutenir un processus de paix. À commencer par un cessez-le-feu, un soutien humanitaire, la libération des otages et une perspective politique pour une solution à deux États. »

La division n'aide pas

La division des Européens ne favorise guère ce point de vue. « Malheureusement, sur un certain nombre de sujets, il y a des points de vue différents parmi les États membres. Évidemment, ça cela ne nous aide pas à être un acteur fondamental », a reconnu le chef de la diplomatie européenne interrogé par notre confrère de l'Agence Europe à l'issue de la réunion.

Le pouvoir de la parole

« Mais [nous] allons continuer à faire ce que l’on est en train de faire », indique cependant Josep Borrell. « Vous savez, on est des diplomates en Europe. On n'a pas d'autre moyen que l'art de la parole, de la réunion et de l'action, qui est plus ou moins contraignante, mais qui se base évidemment sur des principes. »

Rendez-vous en septembre à New-York

Les Européens vont tenter de convoquer une « grande rencontre de tous les acteurs internationaux » lors de l'Assemblée générale des Nations unies, qui se tiendra à New York, à la rentrée (à partir du 10 jusqu'au 24 septembre). « Ce sera un moment où l'Union européenne et nos partenaires arabes et américains doivent trouver l'occasion de travailler ensemble, et inviter sans doute le gouvernement israélien et les Palestiniens », conclut le chef de la diplomatie européenne.

(Nicolas Gros-Verheyde)

À suivre : la situation intenable à Gaza, un rapport interne au SEAE le dénonce

Lire aussi :

Document : Script de la conférence de presse ENG/FR (J. Borrell)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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