Harcèlement. Une gestion des ressources humaines à revoir au SEAE et dans la PSDC ?

(B2) L'arrêt sévère du tribunal de l'UE prononcé en avril dernier (lire : La mission EUCAP Sahel Niger condamnée sévèrement pour harcèlement), devrait obliger la direction de gestion de crises du SEAE à revoir sa copie
De façon plus générale, le dispositif de discipline et d'enquête dans les missions semble incomplet, archaïque, et à revoir. Tout d'abord, on assiste à une confusion des rôles et à la difficulté d'avoir un avis indépendant dans des affaires délicates. Au-delà des problèmes classiques de gestion de ressources humaines et de discipline classique — pour lequel est compétent le chef adjoint de mission —, c'est une personne interne à la mission qui est désigné comme enquêteur en cas de harcèlement. Ce qui est délicat.
Ensuite, le SEAE ne dispose pas d'inspection de services attitrée. Un point déjà soulevé par B2 dans l'affaire de EULEX Kosovo (lire : Affaire EULEX Kosovo. Beaucoup de questions, quelques réponses…). Certes le SEAE peut recourir à l'inspection de la Commission dans le cadre d'un gentleman agreement, mais celle-ci n'est pas vraiment outillée pour des missions de maintien de la paix, où l'atmosphère et le sens du service, les conditions de travail (célibat géographique, vie en commun plus importante...) sont différentes d'une situation de bureau où l'agent rentre chez lui chaque soir.
En outre, le SEAE n'a pas en tant que tel chargé d'assister et d'accueillir les plaintes pour harcèlement, contrairement à ce qui existe à la Commission (depuis plusieurs années), et au Parlement (plus récemment). Le médiateur du SEAE n'est pas doté de moyens importants. Le commandement des missions civiles n'exerce pas réellement son pouvoir (1). Et le secrétariat général du SEAE a d'autres chats à fouetter.
Enfin, il y a une certaine culture de l'entre-soi, de l'omerta, du laissez-faire qui n'est pas sain dans ce type de missions, éloignées des capitales, soumises à de multiples pressions et difficultés, mais aussi à la tentation de se sentir affranchir de toute contrainte morale et disciplinaire. Les faits sont souvent étouffés au lieu d'être révélés et de servir d'exemple.
(Nicolas Gros-Verheyde)
(1) Situation délicate car l'actuel commandant aurait été lui même objet d'une plainte interne pour harcèlement, selon un témoignage, non démenti officiellement ni officieusement, par le SEAE. Lire aussi : Y-a-t-il un problème de commandement dans les missions civiles de l’UE ?
