B2 Pro Le quotidien de l'Europe géopolitique

Défense, diplomatie, crises, pouvoirs

Helga Schmid avec F.-W Steinmeier et F. Mogherini (crédit : MAE allemand)
SEAE - Haut représentant

[Portrait] Helga Schmid, la nouvelle tête pensante du service diplomatique européen

Helga Schmid avec F.-W Steinmeier et F. Mogherini (crédit : MAE allemand)
Helga Schmid avec F.-W Steinmeier et F. Mogherini (crédit : MAE allemand)

(B2) Diplomate chevronnée, très bonne connaisseuse des questions européennes comme internationales, l'arrivée de Helga Schmid à la tête du service diplomatique européen n'est pas un hasard. Ayant "pratiqué" plusieurs cabinets ministériels à Berlin avant de passer à l'Europe où elle a assisté, comme "sherpa", les trois hauts représentants qu'a eu l'Union européenne, cette Bavaroise de 55 ans a passé une bonne partie de sa vie dans l'antichambre du pouvoir.

Etudiante à Münich, Bonn et... Paris

Née le 8 décembre 1960 à Dachau, Helga est diplômée en lettres, politique, histoire anglaise et langues romanes (1980-1987) de l'Université de Münich (Ludwig Maximilians) et... de l'université de Paris-Sorbonne (en histoire, politique et civilisation française). Une année d'échanges comme assistante d'allemand au lycée Michelet qui lui a permis de parfaire son français qu'elle manie quasi-parfaitement. Elle a suivi ensuite le cursus d'Economie, de Droit international et européen, et de relations internationales de l'académie diplomatique de Bonn (1988-1990). Ce qui lui permet de croiser plusieurs des responsables aujourd'hui en poste à Bruxelles (au COPS ou à l'OTAN).

Une habituée des cabinets allemands

Helga Schmid a très vite été propulsée, très jeune, dans les sphères ministérielles de la RFA. Sphères qu'elle n'a quasiment pas quittées. En 1990, elle intègre le cabinet du ministre des Affaires européennes comme secrétaire privée auprès de Irmgard Schwaetzer puis Ursula Seiler-Albring (sous le gouvernement Kohl III alors que Hans-Dietrich Genscher règne comme ministre des Affaires étrangères). C'est un moment "crunch" pour la politique allemande avec la réunification et les débuts de la guerre en Yougoslavie. Elle part ensuite à Washington comme conseiller presse (1991-1994), auprès de l'ambassadeur Jürgen Ruhfus puis de Immo Stabreit. Revenue à Berlin, elle intègre le cabinet du ministre des Affaires étrangères, le FDP (libéral) Klaus Kinkel (1994-1998), comme conseiller politique, puis poursuit avec le Vert Joschka Fischer (1998-2000). Elle sera auprès de lui neuf années durant, d'abord comme directrice adjointe de l'unité politique du ministère et chef adjoint du cabinet du ministre (2000-2003) puis comme directrice et chef de cabinet (2003-2005). Réputée proche des sociaux-démocrates, elle gardera toujours une tonalité verte dans sa pensée politique.

Auprès de trois hauts représentants

Arrivée à Bruxelles dans l'équipe de Javier Solana, elle dirige, à partir de 2006 l'unité politique (Policy Planning and Early Warning Unit) du Conseil de l'UE, remplaçant Christoph Heusgen (devenu conseiller diplomatique de la nouvelle Chancelière Angela Merkel). Elle participe notamment au reprofilage de la stratégie de sécurité, mise à jour en 2008 (Lire : Solana présente une mise à jour de la stratégie européenne de sécurité) mais aussi au lent renforcement du pôle "PESD" au sein de l'Union européenne. Elle continue ensuite au même poste sous Catherine Ashton et est nommée secrétaire générale adjointe en charge des affaires politiques dès la création du Service diplomatique européen (SEAE), en 2011. Un choix que la Lady Britannique n'a jamais regretté apparemment.

Le pilotage du dossier iranien

Helga Schmid a piloté de façon très étroite toutes les négociations sur le nucléaire iranien, dans l'ombre de Solana tout d'abord puis des autres Hauts représentants, coordonnant les réunions des directeurs politiques du groupe E3+3 (Lire : L’accord entre les E3+3 et l’Iran entre dans une phase active) et préparant ainsi le travail en coulisses qui a abouti à l'accord du 14 juillet 2015. Un dossier sur lequel elle s'était investi très tôt, dès sa présence dans le cabinet Fischer, à la base de l'initiative E3. Ce positionnement lui a permis de nouer des liens étroits avec les principales diplomaties mondiales.

Garder le fil du dialogue avec la Russie

La Bavaroise a aussi assuré à plusieurs reprises le suivi des relations avec la Russie, à différentes période, alternant tensions et détentes, notamment au moment des crises successives en Ukraine (et en dernier lieu en 2014-2015), en Géorgie en 2008 ou en Biélorussie. La mise en place de paquets important de sanctions (pour la Biélorussie d'abord, pour la Russie ensuite) ne l'a pas empêché de toujours prôner, et mener, une politique de la porte "entrouverte" avec Moscou comme avec Minsk ou d'autres capitales. Elle a toujours su garder ainsi le fil du dialogue intact, même si certaines de ses conversations téléphoniques, écoutées, ont fui dans la presse de façon artistiquement malencontreuse...

Le Moyen-Orient et les dialogues politiques

Helga Schmid a assuré enfin le suivi des négociations avec le Moyen-Orient, notamment après la fin du mandat du RSUE (représentant spécial), décidé par la Haute représentante d'alors (lire : Des Balkans au Moyen-Orient, F. Gentilini symbolise le retour d’une volonté européenne dans la région). De façon plus générale, elle a souvent conduit les dialogues politiques de haut niveau (Chine, etc.).

Se faire respecter

Discrète, toujours courtoise, d'une certaine élégance, sans être arrogante, Helga Schmid a, pour elle, d'avoir su se faire respecter dans des milieux toujours dominés par la masculinité. Au point que son nom avait été cité fin 2014 pour succéder à Pierre Vimont. Il s'agit davantage sans doute d'une rumeur avait-elle fait dire, estimant son job de directeur politique « très intéressant » sans intention de le quitter (lire Carnet 03.10.2014). Après la négociation sur l'Iran et plusieurs longues années à l'Union européenne, elle envisageait cependant de tourner la page pour revenir dans la diplomatie allemande... ou ailleurs. Si la date de son départ n'était pas exactement fixée, il aurait pu se produire cet été. Le départ d'Alain Le Roy a changé la donne, avec ce qui semble être surtout une décision personnelle de Federica Mogherini : garder, auprès d'elle un "grand fonctionnaire" européen, qui a l'avantage de parfaitement connaître les rouages de la diplomatie mondiale comme européenne.

La persévérance et compétence en bandoulière

Le ministre fédéral des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier (SPD) a salué très rapidement « la compétence, la créativité et la persévérance » de la diplomate — un triptyque que peu de personnes pourront contredire. A Paris, on reste beaucoup plus discret (c'est un euphémisme). Ce qui est notable cependant, notent certains qui l'ont approché, est « sa loyauté » aux personnalités qu'elle a servies. Ce qui lui a sans doute permis, de « survivre » d'un responsable à l'autre, avec une longévité assez exceptionnelle.

L'atout des femmes : l'écoute

Participant régulièrement aux rencontres des femmes diplomates, notamment avec les ambassadrices du COPS qui se réunissent régulièrement, elle a son explication, à elle, de l'atout féminin dans les négociations : « les femmes sont de meilleurs négociatrices, parce qu'elles ont appris à l'emporter à partir d'une position supposée de faiblesse ». « L'écoute » constituant aussi un point fort.

La gestion du SEAE : un défi

La gestion du Service diplomatique européen représente cependant une nouveauté pour une femme qui a toujours travaillé en petit cercle, en équipe assez homogène. Le SEAE présente encore plusieurs défauts de jeunesse et sa machinerie reste encore à ajuster. Il souffre aussi de nombreuses tensions, due à une alchimie délicate dans une structure ni tout à fait intergouvernementale ni tout à fait communautaire. Ses équipes venant de diverses origines (Commission, Etats membres, Parlement...) où cohabitent militaires et civils, pacifistes et interventionnistes, ne sont pas toujours très faciles à diriger. L'esprit de corps reste encore à créer. Un vrai défi...

(Nicolas Gros-Verheyde)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.