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[Portrait] Ben, Dom’ et Priti, les trois ministres régaliens de Boris. Tous des profils ‘durs’

(B2) Le gouvernement de Boris Johnson ne sera pas composé de tendres. Aux principaux postes régaliens, on retrouve des partisans d'un Brexit dur, voire très dur

Porte-feuilles régaliens

Défense : Ben Wallace (twitter)

(crédit : Mod.uk)

Ministre délégué à la Sécurité au Home Office depuis trois ans (2016), il est un des deux députés à avoir parrainé la candidature de Boris Johnson à la tête du parti conservateur. A l'âge de 20 ans, Ben Wallace s'engage et, après un passage à la Royal Military Academy de Sandhurst, il sert comme officier dans les Scots Guards en Irlande du Nord, mais aussi à Chypre, en Allemagne et en Amérique centrale. Il travaille ensuite dans l'industrie de la défense chez QinetiQ (un contractant de la défense britannique) comme directeur outre-mer de sa division 'Security & Intelligence'.

Député de Wyre & Preston North (Lancashire) depuis 2010, il a été auparavant député au Parlement d'Ecosse (1999-2003) et représentant à la Chambre du comté de Lancaster & Wyre (2005-2010). À la Chambre, il a souvent été un ardent défenseur de l'intervention militaire, que ce soit contre Daech ou pour l'utilisation des forces militaires outre-mer et s'est également montré partisan d'une surveillance renforcée en matière intérieure (par l'utilisation des meta-données notamment). Il a cependant voté en faveur des enquêtes sur la guerre en Irak (qui impliquaient le travailliste Tony Blair) et, le plus souvent, contre toute forme d'intégration européenne. Il remplace Penny Mordaunt qui ne sera restée en poste que trois petits mois.

Trois dossiers chauds l'attendent : l'augmentation du budget de la défense, qui souffre de déficits criants, la protection des anciens combattants dans le cadre de poursuites judiciaires (cf. l'affaire du Bloody Sunday, sensible pour les Torys), qui sont des promesses de campagne. Mais aussi la mise en place d'une opération de protection maritime avec les Européens qui pourrait être dure à avaler pour un homme qui s'est toujours opposé à tout ce qui ressemblait de près ou de loin à un engagement européen (lire : Vers une opération maritime combinée franco-germano-britannique dans le détroit d’Ormuz. Les discussions continuent).

Affaires étrangères - First secretary of State : Dominic Raab (twitter)

(Crédit : Gouvernement britannique)

Ancien ministre chargé du Brexit, il démissionne en novembre 2018 au bout de trois petits mois pour protester contre la gestion du Brexit par la Première ministre. Fervent brexiter, il ne semble pas inquiet à l'idée d'un no-deal. D'abord candidat à la tête du parti conservateur, il s'était notamment distingué par sa ligne particulièrement dure sur la question. 

Fils d'un réfugié juif tchèque ayant fui vers l'Angleterre en 1938, Dominic Raab a bénéficié d'une éducation prestigieuse. Après son droit à Oxford, où il gagne un prix académique en droit international, puis à Cambridge, il commence sa carrière dans le cabinet d'avocat Linklaters. Il travaillera, dans ce cadre, pour un des principaux négociateurs palestiniens des accords d'Oslo. Il rejoint ensuite la diplomatie britannique (Foreign Office) en 2000, menant notamment à la Haye une équipe chargée de présenter des criminels de guerre devant la justice - entre autres, l'ancien président du Liberia Charles Taylor et l'ex président de la Serbie Slobodan Milosevic. Il ne rentre au Parlement qu'en 2010.

Le nouveau ministre des Affaires étrangères a des idées tranchées. Que ce soit sur les services publics qu'il semble déterminé à réduire ou sur les féministes, ces « bigotes odieuses ». Il a une ceinture noire de karaté et est fan de boxe. Et il aura besoin de toutes ses forces pour son entrée au ministère alors qu'il va hériter de quelques dossiers très sensibles, dont la crise dans le Golfe.

Intérieur : Priti Patel (twitter)

Pritti Patel (crédit : Gov.uk)

Priti Patel est peut-être le choix le plus controversé de ce cabinet. Malgré des parents d'origine indienne ayant émigré au Royaume-Uni depuis l'Ouganda dans les années 60, elle a soutenu un système d'asile et une exécution des règles d'immigration plus stricts. Elle a aussi défendu une position plutôt radicale sur la peine de mort, déclarant en 2011 vouloir sa restauration au Royaume-Uni comme « dissuasion ». Avant de changer d'avis en 2016. Les prises de position sur les droits de l'homme de celle qui a soutenu la politique « d'environnement hostile » de la Première ministre sortante inquiètent particulièrement les ONGs.

Après des études en économie et politique, elle rejoint rapidement les rangs conservateurs, avant de faire un détour dans le consulting pour Weber Shandwick, une firme de conseil en relations publiques. Travaillant notamment, pendant cette période, pour British American Tobacco, ou le gouvernement du Bahreïn. Autre critique du côté des organisations de la société civile : Weber Shandwick fusionnera avec une firme de conseil israélienne, Rimon Cohen, en 2002. Une firme qui aura pour client, selon openDemocracy, la Commission israélienne de l'énergie atomique, mais aussi Benjamin Netanyahu.

Ce sont ses liens flous avec Israël qui auront raison de sa place dans le cabinet May. Après être entrée au Parlement en 2010 et avoir défendu la campagne pro-Brexit pendant le référendum, elle est nommée ministre du Développement international en juillet 2016 par Theresa May. Dès le début, elle ne tarit pas de critiques sur l'utilisation des fonds du département pour le Développement international pour soutenir les territoires palestiniens via les agences onusiennes et l'Autorité palestinienne. Mais en 2017, la BBC révèle que la ministre a tenu des réunions avec des organisations et personnalités israéliennes sans en référer au Foreign Office. Déclarant qu'elle était « en vacances privées » et que « Boris [Johnson] savait à propos de la visite », elle est néanmoins licenciée sans attendre, accusée par beaucoup dans son ministère et la sphère politique britannique de conduire « sa politique étrangère en freelance ».

Autres porte-feuilles

Développement international : Alok Sharma (secrétaire d'État)

Ancien sous-secrétaire d'État au ministère des Affaires étrangères et du Commonwealth, puis ministre d'État pour le Travail sous Theresa May, Alok Sharma a débuté sa carrière politique en entrant au Parlement en 2010. Né en Inde, il déménage à Reading à cinq ans et étudie la physique à l'université de Salford. Il était, avant d'entrer en politique, consultant financier.

Brexit : Stephen Barclay (twitter)

Pas de changement du côté du ministère pour le Brexit, Stephen Barclay conserve son poste, qu'il occupe depuis novembre 2018. Le ministre fait, comme la majorité du cabinet Johnson, partie de cette génération de politiciens britanniques ayant débuté au Parlement en 2010. Rejoignant l'armée britannique après son brevet, puis l'Académie militaire royale de Sandhurst, il a servi comme second lieutenant dans le régiment royal des fusiliers pour quelques mois. Avant de gagner les bancs de Cambridge pour se former comme avocat (solicitor exactement). Il rejoint le parti conservateur en 1994 et est brièvement nommé secrétaire économique au Trésor de juin 2017 à janvier 2018, puis ministre d'État pour la Santé.

Plusieurs retours

A noter le retour de certains ministres tels l'ancien ministre de la Défense Gavin Williamson qui avait démissionné en mai pour cause d'affaire Huawei, et prend le portefeuille de l'Éducation. Sajid Javid, ancien ministre de l'Intérieur de Theresa May, devient chancelier de l'Échiquier (ministre des Finances). Sa prédécesseure au poste de ministre de l'Intérieur, Amber Rudd — démissionnaire après le scandale des Windrush, ces immigrants légaux devenus Britanniques mais expulsés vers la Jamaïque avec le durcissement des lois sur l'immigration — devient ministre du Travail et des Pensions. Michael Gove, ancien ministre de la Justice de David Cameron, est nommé chancelier du Duché de Lancaster : ministre sans portefeuille mais membre du cabinet. Enfin, Theresa Villiers, ancienne ministre pour l'Irlande du nord de David Cameron et ancienne eurodéputée, prend le portfolio de l'Environnement.

(NGV et Coline Traverson st.)

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