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La commission mixte sous présidence de Helga Schmid (crédit : SEAE)
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JCPOA. La réunion de Vienne de la commission mixte souligne l’importance du nucléaire civil iranien

(B2) A l'initiative des Européens (France, Allemagne, Royaume-Uni), la commission mixte chargée de suivre la mise en œuvre du JCPOA, l'accord sur le nucléaire iranien, s'est réunie à Vienne, à l’hôtel Cobourg, dimanche (28 juillet) en format E3+2 avec l'Iran

La commission mixte du JCPOA sous présidence de la diplomate européenne Helga Schmid (crédit : SEAE)

• La dernière réunion de la commission mixte, fin juin, avait permis aux Européens de réaffirmer leur volonté de mettre en œuvre de façon plus vive les échanges avec l'Iran (lire : Instex opérationnel. L’accord sur le nucléaire iranien sauvé : pour combien de temps ?). Ce qui n'avait pas empêché l'Iran d'annoncer un dépassement des limites de l'uranium enrichi prévu par le JCPOA (lire : L’uranium enrichi iranien franchit les limites. Les Européens préoccupés. Les États-Unis tempêtent).

• Dépassement constaté par l'AIEA (1) mais considéré par les principaux signataires de l'accord comme modéré et non susceptible de déclencher le mécanisme de vérification prévu par l'accord (lire : L’Iran dépasse le taux d’uranium enrichi prévu par l’accord JCPOA. S’il reste inférieur à 5% cela va encore…).

• Entre-temps, la tension dans le détroit d'Ormuz avec attaques et détournement de navires est venue compliquer la donne (lire notre Dossier N°72. La crise dans le détroit d’Ormuz et le Golfe s’amplifie).

Les éléments d'équilibre de l'accord réaffirmés

La réunion s'est déroulée dans une « bonne » atmosphère, selon des diplomates occidentaux, « constructive » selon le négociateur en chef iranien, Abbas Araghchi (2). Le communiqué final publié par la présidence européenne réaffirme ainsi quatre éléments :

  •  « l'engagement continu des signataires en faveur de la préservation du JCPOA » ;
  • le fait que « les engagements en matière nucléaire et la levée des sanctions sont des éléments essentiels de l'accord » ;
  •  la volonté « de poursui[vre] les discussions au niveau des experts sur les questions de levée des sanctions et nucléaire » ;
  • « le soutien et la responsabilité collective vis-à-vis des projets nucléaires (notamment Arak et Fordow) » du nucléaire civil iranien. Ils « constituent un élément essentiel du JCPOA afin de garantir le caractère exclusivement pacifique du programme nucléaire iranien » (3).

Une commission mixte convoquée au niveau ministériel

Des points assez rituels mais particulièrement rassurants au moment où l'accord sur le nucléaire iranien est sous tension. Le premier point concret de la réunion reste l'annonce de la convocation d'une réunion de la Commission mixte au niveau ministériel « dans un proche avenir ». « Tous les participants restants au JCPOA restent déterminés à sauver cet accord qui représente un grand succès diplomatique », a assuré le vice-ministre iranien des Affaires étrangères.

Sans mesures concrètes, Téhéran réduira ses engagements

Ce qui n'a pas empêché certaines déclarations, plus musclées de part et d'autre. La France attend que « l'Iran revienne rapidement en conformité avec ses engagements au titre de l’accord de Vienne et mette en œuvre les actions nécessaires pour engager l’indispensable désescalade » a indiqué le Quai d'Orsay. Du côté iranien, cette réunion avait un goût de 'trop peu'. « L'Iran continuera à réduire les engagements qu'il a pris en vertu de l'accord international sur son programme nucléaire conclu en 2015 jusqu'à ce que ses intérêts soient garantis », a averti le négociateur en chef iranien Abbas Araghchi, vice-ministre iranien des Affaires étrangères, dès la fin de la réunion, selon l'agence officielle Irna lundi matin (29 juillet). « Tout obstacle à la façon dont l'Iran exporte son pétrole va à l'encontre du JCPOA (l'accord nucléaire) », a-t-il ajouté. Avertissement confirmé à Téhéran : « Nous entamerons fermement la troisième étape du plan de réduction des engagements pris par l'Iran en vertu de l'accord nucléaire conclu à Vienne en 2015, si les Européens ne prennent pas de mesures concrètes », a déclaré à la presse Abbas Mousavi, porte-parole de la diplomatie iranienne, selon une dépêche publiée par l'agence officielle Irna.

(Nicolas Gros-Verheyde)

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Le déploiement d'une force navale européenne : un point sensible pour Téhéran

La libre circulation dans le détroit d'Ormuz, pour les Européens, et la saisie de navires pétroliers de part et d'autre restent néanmoins un point de crispation. Abbas Araghchi l'a réaffirmé, avant la réunion : « La saisie du pétrolier transportant du brut iranien dans le détroit de Gibraltar, [est] une violation [de l'accord], car les États membres du JCPOA ne devraient créer aucun obstacle aux exportations iraniennes de pétrole ». Le déploiement d'une force européenne maritime n'est pas vue d'un bon œil par Téhéran. L'initiative britannique d'une force militaire est une « provocation » a indiqué Abbas Araghchi. « Non seulement la présence des forces étrangères ne contribue pas à la sécurité de la région, mais ce sera la principale cause de tension », a confirmé depuis Téhéran le président iranien, Hassan Rohani, dimanche (28 juillet), après avoir reçu le ministre des Affaires étrangères d'Oman, Youssef ben Alawi.

Cette visite du chef de la diplomatie omanaise est cependant le signe d'une certaine détente entre les deux riverains du détroit d'Ormuz, théâtre de plusieurs incidents ces dernières semaines. « L'Iran et Oman doivent faire de leur mieux pour établir une stabilité et une sécurité durables dans la région » résume ainsi une dépêche de l'agence de presse semi-officielle iranienne Isna.

En déplacement officiel à Saint-Pétersbourg (Russie), pour participer à la cérémonie du 'Jour de la marine russe', le chef de la marine iranienne, l'amiral Hossein Khanzadi, a ainsi misé sur une « coopération militaire maritime d’Iran et de Russie. [C'est] la garantie de la sécurité dans les voies navigables du monde ». Le vice-ministre russe des Affaires étrangères Sergei Ryabkov l'a cependant assuré à l'agence Interfax : « Il n'y a pas eu de discussion sur le détroit d'Ormuz ni sur aucune initiative visant à renforcer la sécurité de la navigation ».

(NGV)

Lire aussi : Vers une opération maritime combinée franco-germano-britannique dans le détroit d’Ormuz. Les discussions continuent


  1. On doit rappeler une différence notable entre 'enrichir' de l'uranium et 'posséder' de l'uranium enrichi. Le JCPOA limite la 'possession' d'uranium enrichi, mais n'interdit pas en soi d'enrichir davantage, indique Mark Fitzpatrick, ancien diplomate américain et aujourd'hui responsable du programme 'non prolifération' de la branche américaine du think tank IISS. Une condition à cela : « qu'il soit ensuite mélangé. Ce qui le ramène à l'état non enrichi. Reste que 24 tonnes, c'est beaucoup à baisser ».
  2. Le représentant iranien Seyed Abbas Araghchi a tenu une rencontre séparée avec Helga Schmid, du SEAE, dimanche matin, avant la réunion, et des rencontres séparées avec les représentants des délégations de la Chine et de la Russie.
  3. Les activités du réacteur à eau lourde d’Arak continueront, selon les déclarations du président de l’Organisation iranienne de l’Energie atomique (OIEA), Ali-Akbar Salehi, devant des parlementaires iraniens.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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