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Espionnage. Gerhard S., l’Allemand, diplomate européen, qui aimait un peu trop la Chine

(B2 - exclusif) L'homme qui est au cœur d'une affaire d'espionnage en Allemagne pour le compte de la Chine est bien connu des institutions européennes. À double titre

Le pouvoir attractif de la Chine a-t-il eu raison de l'Européen (crédit : Commission européenne - Shangai - Archives B2)

Un fidèle serviteur européen

De nationalité allemande, Gerhard Sabathil a d'abord été fonctionnaire à la Commission européenne, dans ses représentations à Oslo et Berlin, puis comme directeur de la coordination et de la stratégie de la politique étrangère à la DG Relex. En 2011, il devient directeur pour l'Asie du Nord-Est et le Pacifique dans le tout nouveau Service européen pour l'action extérieure (SEAE), puis est nommé, en juillet 2015, chef de la délégation et ambassadeur de l'UE à Séoul, en Corée du Sud (lire : Rotation 2015. Portrait des nouveaux ambassadeurs du SEAE). C'est durant son séjour en Corée où dérape sérieusement, ou du moins que des soupçons se concrétisent. Il cède alors à la tentation chinoise, par amour (1) ou par intérêt.

Des fuites de documents confidentiels en Corée

Ce sont les autorités européennes, qui détectent, dès 2016, la fuite de certains documents, classés confidentiels. Tous des sujets très 'sensibles' pour les Chinois, notamment sur les droits de l'Homme, qui se retrouvent aux mains des Chinois. Les autorités allemandes sont alertées à leur tour. Par précaution, elles retirent l'habilitation de sécurité à l'intéressé (2). Ce qui entraîne, de fait, la cessation de ses fonctions d'ambassadeur. Il est alors rappelé au siège du SEAE, à Bruxelles, et soigneusement mis à l'écart de toute fonction sensible. Une mesure qui s'apparente à une sanction dans le monde feutré de la diplomatie. L'homme n'est resté en effet qu'un an et demi sur place, au lieu des trois (ou quatre) ans habituels.

Passé au lobbying, il continue à travailler pour la Chine

Ayant reconnu les faits, et mis au placard, l'Allemand choisit alors de prendre sa retraite des institutions européennes. Il incorpore rapidement l'entreprise de lobbying Eutop, dont le fondateur est Klemens Joos, diplômé (comme lui) de l'université de Munich. Une société qui travaille avec la Chine, a une filiale à Shanghai et un bureau à Pékin. G. est dans son élément. Il reprend assez vite ses accointances chinoises. Non seulement, il a transmis « depuis 2017 » des informations à la sécurité d'État chinoise, mais il a « recruté deux personnes d'une autre société de lobbying » pour ses activités, selon le média allemand Der Spiegel.

Sous le coup d'une enquête fédérale, des perquisitions à Berlin et Bruxelles

Les appartements et les bureaux des trois accusés en Allemagne (à Berlin, en Bade-Wurtemberg et en Bavière) ainsi qu'en Belgique (à Bruxelles) viennent d'être perquisitionnés par la police, depuis les premières heures du matin, ce mercredi (15 janvier). Des visites effectuées sur instruction du procureur général fédéral allemand Peter Frank, qui a ouvert une enquête contre l'ancien fonctionnaire européen, et ses deux coreligionnaires, pour faits d'espionnage au profit de la Chine.

Les autorités européennes prêtes à coopérer

Selon nos informations, le lieu de Bruxelles perquisitionné, avec l'assistance de la police belge, est le bureau de travail de l'ancien fonctionnaire européen. Un bureau privé, qui n'est pas un local appartenant à une institution européenne, a indiqué Virginie Battu, la porte-parole du SEAE, lors du point presse de midi. Celle-ci n'a pas voulu « commenter » plus avant « l'enquête en cours » menée par les autorités judiciaires allemandes ». « Nous ne commentons jamais » ce type de fait. Mais nous sommes « bien sûr toujours prêts à coopérer avec les autorités nationales des États membres quand elles le demandent ».

(Nicolas Gros-Verheyde)

  1. Une femme qui est devenue sa compagne par la suite.
  2. Tout chef de délégation a une habilitation de sécurité afin de pouvoir accéder aux documents classés confidentiels.

Mention du nom de l'intéressé, celui-ci étant désormais dans le domaine public

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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