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Corridor ou accès humanitaire en Ukraine. Une obligation internationale difficile à mettre en pratique

(B2) Si l'attention s'est focalisée sur l'ouverture de corridors humanitaires notamment pour évacuer les Ukrainiens piégés à Mariupol, l'accès de l'aide et du personnel humanitaires aux villes assiégées est lui aussi difficile. Malgré les règles du droit de la guerre.

Les équipes du Comité international de la Croix rouge à Mariupol (crédit : CICR)

Premier convoi

Un premier convoi du Comité international de la Croix rouge (CICR) est arrivé mardi (15 mars) en Ukraine, au centre du pays, à Vinnytsia. Onze camions transportant 200 tonnes de nourriture, matériel médical, kits d'hygiène, parmi d'autres nécessités. « Le défi est maintenant la répartition de cette aide d'urgence au plus près des besoins, dans des centres secondaires », explique Frédéric Joli, porte-parole du CICR. L'arrivée de l'aide reste toutefois conditionnée au fait que « toutes les parties au conflit respectent l'accès humanitaire partout conformément aux règles de la guerre ». 

Une obligation liée au droit international humanitaire

Les États doivent garantir l'accès humanitaire aux zones de guerre. C'est une obligation. L’article 1er des conventions de Genève établit que l’espace humanitaire doit être garanti, comme l’accès humanitaire. Le CICR en est le garant. Seules les modalités de mise en œuvre de cet accès reste au choix des parties : couloir (ou corridor) humanitaire, trêve, etc. Et elles ne risquent pas grand chose à s'abstenir de prendre ces décisions...  

Évacuations de Soumy

Les équipes du CICR ont également organisé les premiers convois de civils au départ de Soumy, une ville au nord est de l'Ukraine. 70 bus sont mobilisés depuis mardi (15 mars) pour les déplacés vers Loubny, ville du centre du pays, entre Kiev et Kharkiv (oblast de Poltava).

Le piège de Mariupol

Mais au Sud, à Mariupol, « l’intensification des combats a fait que des dizaines de milliers de personnes, environ 200.000, ont été piégées dans les combats. Ce qui est inhérent à la guerre en ville, avec des conséquences humanitaires très lourdes et très rapides », dépeint Frédéric Joli. Les tentatives de corridors humanitaires sont entravées par les conditions de sécurité, non réunies. Chacun des belligérants reportant la faute sur l'autre. Des « dizaines de milliers de personnes restent piégées, manquent de tout : eau, nourriture, médicaments... »

Une idée sous la responsabilité des belligérants

« Si les belligérants décident de faire une opération coordonnée d’évacuation, on l’appellera corridor, couloir, ce qu’on veut, et qu’ils s’y tiennent et le font sérieusement, il faut l’encourager. Et le CICR sera toujours là pour faciliter et faire en sorte que cela marche. » Mais ce sont les belligérants « qui prennent l’entière responsabilité de l’accord qu’ils signent », précise Frédéric Joli.

Une mise en œuvre très difficile 

L’accord humanitaire « qui doit lier les belligérants doit être le plus précis possible et ne rien oublier ». Le CICR a appelé à revoir « précisément les modalités de mise en œuvre du plan d’évacuation ». Une longue liste des points doivent être prévus, au risque de rendre l'accord inopérant : l’heure précise, les lieux, les itinéraires d’évacuation et d’autres détails logistiques, les personnes susceptibles d’être volontairement évacuées et si l’accord permet également d’apporter de l’aide dans les villes.

Des corridors voués à l'échec

L'organisation d'un corridor ou couloir humanitaire relève donc du « défi logistique et sécuritaire ». Un défi tel que, concède le porte-parole, ils « n'ont jamais trop marché ». Car les conditions sont rarement réunies. « Il y a peu d’exemples de réussite en la matière sur les 50 dernières années. En revanche, ce qui existe en droit humanitaire (1), c’est l’accès et l'espace humanitaires. » C'est tout l'enjeu du travail du CICR sur ce terrain de guerre de faire en sorte qu'il soit appliqué par les belligérants.

(Emmanuelle Stroesser)


L'instrumentalisation des prisonniers de guerre

Les images ukrainiennes mettant en scène des prisonniers russes, virales sur les réseaux sociaux et reprises par des médias, obligent aussi le CICR à rappeler le droit international humanitaire. « Les prisonniers doivent être traités sans traitement dégradant, ni torture, ni humiliation, c’est écrit dans le droit humanitaire ». Cela vise à « protéger le soldat capturé, et notamment l’exposition à la curiosité publique ». Un droit écrit « à une époque où il n’y avait pas les réseaux sociaux comme aujourd’hui. Mais, pour autant, la question reste entière », soupèse le porte-parole.


  1. C'est en partie la guerre de Crimée de 1853-1856 entre la Russie et une coalition formée de la Turquie, de l'Angleterre et de la France, qui inspira la première convention de Genève pour l’Amélioration de la Condition des blessés des armées combattantes, datée de 22 août 1864. Elle sera suivie de plusieurs autres textes, destinées à garantir le sort des combattants comme des non-combattants, les conventions de Genève du 12 août 1949 ainsi que plusieurs protocoles additionnels de 1977 et 2005. C'est dans ces textes (notamment la 4e convention de Genève sur les victimes civiles et les deux protocoles de 1977) notamment qu'on trouve le droit de garantir la protection de la population civile et de toute personne ne prenant pas part au combat.

Entretiens réalisés lundi 7 mars et mercredi 16 mars, par téléphone, en français.

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